Région Brevon - Secteur Rochers de la Mottaz
 
 
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Voie : « G-D » - Commentaire   Topo  
Sujet : Souvenir réveillé!     Commentaire : 1413 / 1451 
Auteur :   ElGringo DesFleyz     (- - -.w90-41.abo.wanadoo.fr)
Date :  21 décembre 2020   18:28
Alors que nous étions jeunes, forts et pleins d'illusions, nous avions eu comme super idée d'aller équiper une voie dans cette face de Trélesaix, qui s'illumine au couchant... Jeannot débordant d'envie déjà à cette époque, plutôt que d'expérience, et moi qui n'y connaissait guère plus... Bref, quand il y a une volonté, il paraît qu'il y a un chemin, et forts de cet adage, il ne pouvait rien nous arriver! Et nous voilà partis dans cette face, avec marteaux en bandoulières et pitons en tout genre qui tintinnabulent joyeusement. Sauf que les fissures bouchées, les trous qui n'en sont pas, personne ne nous avait prévenu! Avec Jean-Loup, Jean escalade une première longueur, avec moult clous, "rassurants" sans vraiment l'être tout à fait. Heureux d'avoir démarré un si grand projet, et forts d'une première victoire sur la montagne, il semble que le sort en soit jeté, cette voie nouvelle verra le jour.
Je remonte donc avec Jeannot, pour avancer dans cette face, très raide, et au rocher tout de même assez moyen, par endroit. Et il fait beau, l'air est à la fête, je me propose de démarrer. Ok, me dit jean, tout content de me voir tellement entreprenant. Je monte tant bien que mal, en essayant de ne pas tirer aux clous, car me dit Jeannot, "fais gaffe, ils ne sont pas très solides". Ce qui met en confiance, quand il n'y a rien d'autre comme assurage! Je souffle, respire, essaie de garder de l'énergie, et de ne pas me crisper. Mais c'est raide, délicat, et pas si facile. Presque au sommet de cette longueur, et pourquoi, je ne sais pas, je "chope la greule", posé sur des grattons insignifiants et j'ai les mollets en feu. Mon cerveau, c'est là qu'on découvre que l'on a cette chose, fonctionne à cent à l'heure, mes yeux voient, j'ai des idées, mais les connections brûlent les unes après les autres dans ma tête, et je sens qu'il va se passer un truc fort, violent. Je le pressent, et je dois vite trouver la sortie de cette impasse. En bas, j'entends vaguement que l'on me cause, mais c'est marrant, je m'en fout. Et évidemment, arrive cette splendide idée de m'accrocher à cette racine qui dépasse d'une fissurette bouchée, de 5mm de diamètre, que jamais tu la touche, dans un autre état... Mais juste pour 2 minutes quoi, le temps de souffler un peu et de me rééquilibrer... Tu parles : je crois même qu'elle est sortie toute seule, avant que je la touche, la racine! Quand elle a dû me voir arriver, avec des yeux globuleux qui sortaient de la tête, la racine je pense qu'elle s'est suicidée avant que je la touche. Ca ne devait pas être très beau à voir, c'est sûr...
Donc, puisque tout le monde s'en mêle, je commence un retour vers Jeannot assez rapide et mouvementé. Et il me semble aussi avoir entrevu un dixième de seconde, ses yeux à lui, et c'était pas brillant non plus! Mais très vite je l'ai perdu de vue, car arrachant tous les points, successivement et inexorablement, je suis un peu beaucoup balloté, souvent la tête en bas d'ailleurs (à l'époque, on avait un des tout premier baudrier-cuissard : "Don Willans"), les "4 fers en l'air" comme on dit... Je compte les points, et fais une soustraction rapide de ceux qui restent. Pas terrible comme calcul, car je n'aurais sans doute, pas eu le temps de donner un quelconque résultat.
En bas, c'est la panique : Non... Mais qu'est-ce que tu...????...Ben qu'est-ce...? Mer...
jeannot qui a l'esprit pratique, du Mec qui tient à sa vie, déjà, s'enlève de dessous, et part en courant dans la pente. Il ne veut pas voir le massacre, et je le comprends. Ca va être une boucherie!...
Mais, merci Mon Dieu, il part avec la corde, et ravale le mou, autant qu'il peut. D'ailleurs à ce propos, je me demande si il n'allait pas plus vite que ma chute?? J'ai senti des coups d'accélérateur incroyables durant l'éternité de ma descente en chute libre...
Mais comme je suis là pour me souvenir des évènements, il y a eu "LE" miracle. Un des fameux clous, plantés par notre "Charpentier" du jour, l'avait été la tête en bas, et jamais je n'aurais parié un copeck sur celui-ci, pour enrayé cette chute mémorable. je finis allongé dans l'espace, presque en douceur, à 1 mètre d'un énorme bloc bien pointu, bien sûr...
Comme quoi, il faut mesurer ses jugements, et remercier le Ciel, ET Jeannot, qui s'y sont mis à tous les deux, pour que ce ne soit pas mon dernier jour, ce jour-là...
Quand je repense à toutes les petites chances, mises bout à bout, qui ont permis qu'on puisse encore raconter aujourd'hui ces évènements d'un autre temps, d'une autre époque, je me dis qu'on a été protégés.
Quoique ce soit, Merci encore, et c'est sympa de se remémorer ces instants si intenses. C'est rigolo de les partager aussi : la Montagne ne se vit pas tout seul, égoïstement, elle se partage, j'en suis persuadé.

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