Région Oche - Secteur Dent d'Oche Face Nord
 
 
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Voie : « Ravanel » - Commentaire   Topo  
Sujet : la "Ravanel" en hiver...     Commentaire : 398 / 1451 
Auteur :   ElGringo     (- - -.w86-197.abo.wanadoo.fr)
Date :  30 mars 2009   21:03
Cette voie se pratique aussi, et encore en hiver...C'est bien.
Pas mal de chablaisien se sont essayés dans leurs premières hivernales là-haut. Personnellement, et avec mon vieux pote Philippe Vespé, un jour, ce devait être en 78 ou 79, je ne sais pas ce qui nous a pris, nous aussi, on est allé voir...
Pour ça, nous avions acheté les combines de l'époque : "les Cardiss", les chaussures de 2 tonnes, "Hivernales", en cuir avec peau de mouton à l'intérieur et les surbottes...Bref, les cosmonautes d'aujourd'hui sont moins bien habillés! Et peut-être pour moins cher...
Mais c'était l'hiver que "ça se passait", et nous, gonflés à bloc, d'aucune autre expérience d'ailleurs, mais gonflés, c'est sûr, nous devions y aller. Et on y est allé!
Cet hiver là ressemblait bien à un hiver, avec froid, neige, tempêtes...Tout! Et pour brasser, on a brassé. Montés à ski par la face Nord, nous les avions laissés, assez bas, sous le col de Rebollion. Les sacs étaient énormes, pour bivouaquer, cuisiner, et tenir, au cas où... C'était Dantesque! Arrivés à la vire aux Thononais, on a taillé une plate-forme pour dormir, car il était déjà 16h30...Le temps de rentrer dans les sacs, il devait bien être 10h00, et à minuit, à Bernex, "ils" devaient se demander qui étaient les deux bobets là-haut, par -20°...On a quand même dormi, malgré la bise! Assez peu, et plutôt mal, mais je me souviens d'avoir été heureux de le vivre, cet instant! Comme dans les histoires qui nourrissaient mon esprit, à cette époque. Les aventures des Bonatti, Desmaison,...
Mais il fallait repartir déjà, sous la neige, et dans le froid, car la notre d'aventure, commençait seulement. L'escalade en elle-même n'est que de l'escalade, surtout avec des sacs ENORMES! Et je passe sur les innombrables onglées, les passages sur l'herbe gelée, les dalles glacées, les fissures remplies...Nous ce n'était pas sec, c'est sûr! Par contre, l'arrivée au sommet est un sacré bon moment pour moi, et reste dans ma mémoire. Il devait être 16 ou 17h00, et enfin nous retrouvions la lumière, l'espace...La descente, chargés comme des mulets, n'a pas été une partie de plaisir jusqu'au col de Rebollion, mais en descente, quoiqu'on en dise, et même chargés, surtout quand on sent l'écurie, ça va mieux que dans l'autre sens!
Seulement on ne sait jamais tout! Et mon Vespé, plein d'énergie, a voulu faire le mariole pour sauter la corniche, et me montrer comme il faisait bien les "wêêêtzêêts"...Le blême, c'est qu'en dessous c'était tout gelé, et avec un sac comme on avait, tu peux tout essayer, entre les moulinets, les coups de reins, les hurlements...Quand tu es parti avec 25 ou 30kgs de lest, essaie voir un peu de nager! Ou de pédaler sur l'herbe gelée...Ce qu'il faut se dire, c'est qu'à un moment, ça va s'arrêter...Dans quel état? C'est quand tu entends les gémissements de la bête, après, que tu te dis : "là, c'est pas gagné...et on n'est pas à la voiture!" Résultat des courses : une épaule démise, là-haut, à 17h ou 18h00...Plus question de ski, et comment réduire la douleur? Qui sait remettre une épaule en place? Moi, ce jour là, je ne savais pas non plus! Pourtant, j'ai tenté de le soulager, en lui tirant le bras, bien sûr à fond, et à l'équerre, un pied callé sous le bras!!! Il hurlait plus fort, alors je tirais encore plus fort, pour le soulager une bonne fois... TOUT ce qu'il ne faut pas faire, j'ai dû lui faire ce soir là... On a du entendre les cris de la bête depuis Evian!
Vers 19h00, après au-moins 1h00 à le faire gueuler, j'ai décidé d'arrêter de le torturer, avant qu'ils ne montent m'abattre de Bernex, et du coup, je l'ai saucissonné avec la corde, pour qu'il ne puisse plus crier, déjà, et surtout pour le maintenir dans une position, la moins douloureuse. Ce que j'aurais dû faire immédiatement! Là, la cordée est repartie, je suis passé devant avec un sac sur le dos, et je trainais l'autre! Philippe, comme dans les films "catastrophe", faisait ce qu'il pouvait dans cette trace digne de chez "Massey-Fergusson/Caterpillar" réunis! Vers minuit, après un calvaire, je ne vous dis que ça, surtout pour l'un d'entre nous, mais l'autre avait finalement son compte aussi, nous avons rejoints, "enfin" la 4L-Sport de Vespé, chargé l'ensemble des morts-vivants qui constituaient cette cordée de l'Enfer, et le terme n'est pas disproportionné, pour traverser Bernex plutôt discrètement...Et la queue assez basse...
La fameuse "Ravanel" ne s'arrêtait pas encore pour nous, une autre longueur nous attendait à l'hôpital! Après une descente en voiture où dans chaque virage, j'entendais gémir, car plus ça refroidit, plus c'est pénible à supporter, je me suis fait allumer copieusement, à juste titre d'ailleurs, d'avoir essayé de réduire sa luxation. (il ne faut même PAS tenter d'y toucher!!! On peut facilement faire pire que mieux...Moi je n'ai pas gagné le cocotier, mais j'étais à deux doigts!). Heureusement, Vespé va bien, il a retrouvé toutes ses facultés, et Dieu merci, je ne l'ai pas abimé avec mes "essais" thérapeutiques...
Voilà, une "autre" Ravanel en hiver.
Cela reste malgré tout, un merveilleux souvenir, et une aventure, même si on voit le lac, et si ce n'est "que" la Dent d'Oche, à surtout pas mésestimer...A chacun de se faire son monde! Mais c'est une course respectable.

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