Région du Mont Billiat - Pentes Raides et Couloirs
 
 
Avec ses 1894 m, le Billiat fait figure de sommet plutôt modeste. Pourtant, fortement isolé des autres massifs, il déroule son échine sommitale escarpée face au lac, et permet une superbe vue à 360° de la région. Malgré cette faible altitude il a pourtant comme inconvénient un accès un peu longuet, tout du moins en hiver. Soit l'on part du Jotty , sur la route Thonon-Morzine, depuis l'altitude dérisoire de 692 m. La montée sur la piste forestière, souvent dans le brouillard, est longue et soporifique. Par contre, en arrivant aux chalets de Mévonne, vers 1400 m, la vue est saisissante, à la fois sur la dalle de Mévonne, célèbre pour ses voies d'escalade de haut vol, et puis surtout, puisque c'est ce qui nous intéresse, en hiver sur les couloirs de la face Nord du Billiat. Un autre solution consiste à atteindre le Billiat depuis la vallée de Bellevaux. On remonte la route non déneigée de la Buchille pour traverser à flanc jusqu'aux chalets de Pertuis. Depuis ces chalets, on peut atteindre rapidement le sommet du Billiat ou redescendre côté Mévonne pour atteindre le pied des couloirs. Par contre, la montée est aussi relativement fastidieuse, surtout dans la traversée jusqu'à Pertuis. Enfin, la flemme peut commander de ne pas reconnaître et remonter les couloirs au préalable, ce qui peut s'avérer gênant surtout pour le difficile et tourmenté couloir Jumeau. Malgré ces inconvénients, skier le Billiat, que ce soit par sa voie normale nord-ouest, par son raide flanc sud-est ou par ses couloirs nord reste une expérience intéressante à goûter au cœur de l'hiver quand la neige et le froid sont descendus au plus bas.

Février 2003, avec Alex, nous montons dans un brouillard épais la fastidieuse piste de Mévonne depuis le Jotty. La journée est polaire mais le temps, au-dessus des chroniques nuages bas chablaisiens, est supposé être au beau fixe. Aux chalets de Mévonne, changement complet de décor avec, enfin, l'apparition temporaire du soleil et de la rocheuse face Nord du Billiat. Ce Billiat, côté nord, je n'y suis plus retourné depuis plusieurs années, peut-être traumatisé par un méchant incident survenu en sortant seul du couloir de Mévonne, lorsque je  gravissais les derniers mètres menant au sommet. Bon, je vous raconterais peut-être ça un jour, lorsqu'il y aura prescription familiale J. J'avais repéré depuis longtemps le raide couloir nord situé sur la gauche du couloir de Mévonne (couloir Jumeau) et relié à ce dernier, à mi-hauteur, par un raide petit goulet barré par une barre rocheuse. Par bon enneigement, je supposais que cette barre était négociable à ski, hypothèse toute incertaine et que nous nous proposions de vérifier ce jour. Depuis les chalets de Mévonne, on distingue bien la sortie du couloir Jumeau mais absolument pas sa partie inférieure et encore moins sa jonction avec le couloir de Mévonne. Il faut donc aller voir sur place. Les belles pentes inférieures sont vites avalées malgré une neige pénible à tracer. Le goulet, s'avère être beaucoup plus rocheux et plus haut que prévu. Nous faisons une rapide tentative, mais son franchissement s'avère très délicat et surtout, à moins d'avoir un goût prononcé pour les sauts de barres, sa descente semble des plus hasardeuse. Nous nous rabattons sur le couloir de Mévonne qui est en très bonnes conditions et rattrapons enfin le soleil au sommet du Billiat par une température qui doit bien flirter avec les -20°C. Nous descendons quelques mètres versant sud-est pour mater le haut du Jumeau : un départ parfait mais rapidement étroit et fuyant qui ne laisse pas deviner ce qui se passe en-dessous. Au bas du couloir de Mévonne, nous tirons largement sur la droite pour observer les parties inférieures du Jumeau. Le brouillard est retombé et ne permet pas d'y voir grand chose, mais quand même suffisamment, pour nous laisser croire que ça doit passer.

Le lendemain, la tentation est trop grande : faut qu'on y retourne. Dominique, le Ch'to fait parti du voyage (avec le Ch'teu c'est pas compliqué : sa sérénité est légendaire et il est toujours d'accord et content pour tout). Pour éviter de remonter par le Jotty, nous optons pour le côté  Buchille. Au col de Pertuis, nous sommes toujours dans un brouillard impénétrable. Replonger côté Mévonne ne nous enchante guère et nous choisissons de partir directement du sommet sans remonter le couloir au préalable : si ça passe pas, et bien nous le remonterons à pied. Nous crevons le brouillard quelques dizaines de mètres avant le sommet et dans une température aussi polaire que la veille. Malgré l'énorme corniche sommitale, le départ du couloir se négocie sans problème. Quelques virages faciles et la pente devient tout de suite plus raide et surtout très encaissée. Un premier goulet rocheux vertical de 4-5 m apparaît alors que la pente atteint les 50°. Au prix de quelques mètres très acrobatiques nous le négocions sur son flanc droit. Le brouillard nous a envahi et le couloir se transforme en goulet de 3-4 mètres de large jusqu'à la jonction avec la brèche qui donne sur le couloir de Mévonne (à ce point, en faisant un rappel il est possible de s'échapper sur le bas du couloir de Mévonne). Nous traversons légèrement jusqu'à un sapin caractéristique d'où l'on peut voir la suite. Cette suite, chaotique et dans le brouillard nous laisse quelque peu perplexe. J'assure Domi depuis l'arbre, et il descend le premier en cherchant le meilleur compromis possible à travers une zone bien trop raide et scabreuse pour que la neige s'y accroche correctement. Il disparaît sur la droite, quasiment en gratonnant skis aux pieds, le dos coincé le long d'une sorte de rampe rocheuse surplombante. Il atteint en bout du bout de la corde une mini plate-forme au confort relatif mais appréciable. Le suspense est à son comble lorsque le verdict tombe : ça devrait passer. Moi j'adore le conditionnel chez Domi car ça flaire fort la certitude ! J'assure Alex et je suis par le même chemin, assuré du bas sur une petite bite rocheuse providentielle et je comprends rapidement le pourquoi de la progression lente et prudente de mes deux potes. Nous nous retrouvons tous les trois sur la mini plate-forme à essayer de déchiffrer la suite. La pente reste très raide et nous ne voyons toujours pas le bas même si le terrain paraît moins encaissé. Nous passons une nouvelle étroiture mesurée à 55° où les skis ont du mal à éviter les rochers affleurants. Enfin la pente se dégage et s'élargit et nous prenons notre pied dans une neige parfaite, dans une pente mesurée à un incroyable 54°, avant de rejoindre les pentes inférieures de Mévonne. Le brouillard est toujours total et nous avons quelques hésitations avant de retrouver la ravine permettant d'accéder au col de Pertuis et de filer assouvir notre joie et notre soif avec quelques bonnes mousses. Pour conclure, je reprends les paroles d'Alex qui résument bien cette journée : le suspense de ce jour nous a fait vivre cette descente comme l'une des plus fantastiques et mémorables.
EN BREF - INFORMATIONS SUR LA REGION
Nombre de pentes: 7 Période: Décembre à mars Altitude départ: 700 à 1000 m Départ: Jotty
Difficultés: 3.2 à 5.3 Dénivellations: 900 à 1200 m Altitude max.: 1894 m Carte: IGN 3468 ET - Thonon- Evian
DESCRIPTION DES PENTES RAIDES DE LA REGION
 ?                 Pente                 Orient. Hauteur    Cotation   
 alpine
Cotation
toponeige
Pente max. Expo. Type Description  Carte    Topo    Commentaire 
Nb / Dernier
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E 150 m AD+ S4 4.1 45°  Moyenne  A/R Jolie petite face dans un coin peu fréquenté par les skieurs. A faire plutôt au cœur de l’hiver par conditions froides et stables. (1 / 16-03-10)
    
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N 250 m AD+ S5 4.1 50°  Faible  A/R On rejoint le couloir environ 80 m sous le sommet Nord de Mévonne. Court passage de 50° au départ, puis 40°. (0 /   -  -  )
    
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N 250 m TD+ S6 5.3 55°  Forte  A/R Couloir qui démarre à gauche du couloir de Mévonne dans la face Nord du Mont Billiat. Raide, tourmenté et très encaissé sur sa deuxième moitié, il sort à une trentaine de mètres du sommet du Billiat. Superbe. (6 / 14-02-23)
    
  • [7] 
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WNW 170 m AD+ S4 4.1 45°  Faible  B Démarre à quelques dizaines de mètres du sommet sur l'arête SW. Le départ se fait dans une large combe qui deverse sur le couloir proprement dit. Court mais sympa. (0 /   -  -  )
    
  • [20] 
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WNW 150 m AD+ S4 4.1 45°  Moyenne  A/R Court mais interessant itinéraire sur un joli sommet. Un bémol : la route de la Buchille est bien longue... (7 / 24-03-10)
    
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NW 400 m AD+ S4 4.1 45°  Faible  A/R Petit couloir sympathique qui demande un enneigement conséquent à basse altitude : un luxe de plus en pus rare de nos temps. (1 / 22-02-09)
    
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NW 400 m AD+ S4 3.2 40°  Faible  A/R On accède au couloir en traversant l'arête Nord-Est depuis le sommet. Demande un bon enneigement. (0 /   -  -  )