De toute évidence, la Dent d’Oche, mythique sommet chablaisien, n’a rien de la physionomie d’une montagne bâtie pour le ski. Il est vrai que sur son flanc nord, la neige a bien du mal à se faire une place au milieu des grandes élancées calcaires. Le flanc sud, tout fait d’un empilement
d’entailles et de barres rocheuses demande une minutieuse observation (le col de la Case d’Oche est idéal pour cela) pour défricher des lignes de faiblesses skiables. Dans cette face ensoleillée, il y a trois descentes (connues) qui passent sans aucun rappel lorsque l’enneigement est conséquent. Au centre, la Directe Sud qui démarre
dans un couloir bien marqué quelques mètres à l’est du sommet s’en sort plutôt bien en zigzaguant entre les barres, dans des pentes finalement pas si raides que cela. Un peu plus sur la droite, en direction du col de Planchamp, la Rampe Sud-Est suit avec quelques libertés (ski oblige), le sentier escarpé de la traversée d’été,
dans des pentes aériennes mais qui sont, là encore, étonnamment raisonnables. Par contre, pour ce qui est de l’exposition, ces deux itinéraires engagent fortement. Enfin, sur la gauche, en parallèle de la voie normale, on trouve le fréquenté couloir du Pierrier, plus facile et aussi moins expo, dont le seul réel défaut est de
ne pas sortir au sommet (son ouvreur, Patrick Mégevand, à la faveur de conditions exceptionnelles a cependant réussi à skier cette ligne depuis le sommet). A l’opposé, sur le flanc nord-est, face au lac, largement à l’écart de la face nord, il est une incroyable et tortueuse ligne de faiblesse, déjà skiée à plusieurs
reprises. Elle démarre sur l’arête est de la Dent, quelques mètres en contrebas du sommet, dans des pentes fuyantes, pour sortir après quelques chemins de traverses dans la combe de Trepertuis. C’est depuis les Rocs de Rianda, au-dessus du col de Trepertuis que l’on peut le mieux la déchiffrer. Là encore, il faut s’armer de
patience et guetter les rares conditions favorables qui permettent de s’offrir cette descente.
Si les conditions nivologiques ne sont pas bonnes ou si l’on ne se sent pas pour une des ces voies il est toujours possible de s’échapper en faisant le « petit tour » de la dent d’Oche ce qui permettra du même coup d’observer toutes les faces de cette cime. On remonte tout d’abord la face sud avant de basculer dans le
couloir Nord de Planchamp. Ce couloir ne pose pas de difficultés particulières et seul son accès qui traverse un large entonnoir surplombant une barre rocheuse est fortement exposé sur quelques dizaines de mètres. Le retour par le col Trepertuis et la descente sous la face nord d’Oche est très sauvage et peu fréquenté, la
plupart des traces préférant se concentrer vers le col de Neuva et le pic de Boré.
Dans tous les cas, quel que soit l’itinéraire choisi, il est bien difficile d’échapper à une intense exaltation lorsque, à l’issue du parcours hivernal de l’une de ces voies, l’on foule le sommet enneigé de « La Bec » (ou « Bec à d’Oche », c’est ainsi que la dent est nommée par les habitants de Bernex, du patois
becca qui signifie pointe ou sommet pointu).