En été, le Roc d’Enfer n’est pas une montagne « remarquable » au sens où l’entendent l’alpiniste et le grimpeur. Ce gigantesque conglomérat haut de seulement 2243 m,
constitué de terres, de roches délitées et d’herbes, inquiète plus qu’il ne fascine. Reconnaissons cependant que son isolement est le gage d’un panorama exceptionnel avec sur son flanc sud toute la chaîne du Mont-Blanc, des Aravis et un petit bout de Valais et sur son flanc nord l'ensemble du massif chablaisien et l'inévitable
lac Léman. Enfin ses arêtes effilées et exposées, ses longues traversées sur d'abrupts ubacs herbeux, enchantent les amateurs de randonnées vertigineuses. Pendant la période hivernale, de manière encore plus tranchée que dans les autres massifs, ce molosse change complètement de physionomie, notamment sur son versant à l'ombre
: la neige en nivelant avec habileté ses imperfections herbeuses et en accentuant la couleur sombre de ses innombrables barres rocheuses, lui donne une esthétique, certes austère, mais riche dans la variété de ses formes, une classe retrouvée et au final une respectabilité et une pysionomie seyant d’habitude à des montagnes bien
plus hautes.
Dans la pratique, au Roc d'Enfer en hiver, il n'y a pas affluence sur ses sommets (sommets au pluriel car le sommet principal est affublé de trois antécimes bien individualisées). Par contre, sur les cimes voisines, et en particulier sur la pointe de Chalune, hyper fréquentée par sa voie normale, il y
souvent embouteillage. Alors, disons que pour une majorité rando-skieuse, le massif du Roc d'Enfer en hiver, se limite à la pointe de Chalune. Mais alors, la minorité skieuse de pentes raides, où va-t-elle ? Et bien, aussi à l'incontournable pointe de Chalune. Pas moins de sept couloirs identifiés sur cet incroyable sommet dont
deux, le « Ouest » et « Nord-est » de Pététoz, sont très fréquemment parcourus (les enchaîner à la suite est d'ailleurs un nectar !). Les autres couloirs, de ce surprenant sommet, sont beaucoup plus sérieux, notamment les joyaux de la face ouest, alignés presque en rang d'oignons, et qui hibernent beaucoup plus tranquillement.
Dans la catégorie des grandes classiques à la raideur modeste il y aussi les faces « Nord-est » de Marcelly et « Ouest » de Uble.
Mais alors, le Roc d'Enfer, il ne se skie pas ? Si, mais il porte bien son nom et il n'est pas vraiment relax, loin de là, et toutes ses pentes demandent un réel métier. Par sa splendide « Face sud », c'est soutenu et déjà bien raide sur la fin et encore plus si l'on va au très alpin sommet principal.
Par bonne neige, passé les barres rocheuses plantées avec désobligeance sous la brèche de sortie, c’est une descente d’enfer, sans stress et sur un sommet effectivement d’Enfer. Par son flanc nord, mis à part le presque débonnaire couloir de la Golette, c’est du grand sérieux avec pour toutes les pentes une bonne dose
d’exposition. A droite de la Golette, la première pente à avoir été skiée dans les années 80, communément appelée « Face Nord », démarre de la première antécime du Roc (premier replat lorsque l’on suit l’arête depuis la Golette). Son départ très raide et délicat est rarement fait, une majorité de skieurs préférant
sagement amorcer la descente une cinquantaine de mètres plus bas sur l'arête, dans des pentes plus larges et moins austères. On préférera savourer cette descente au printemps, lorsque la station de la Grande Terche est fermée, à moins d’avoir pour ambition avouée de se donner en exhibition devant des dizaines de spectateurs massés
devant les remontées mécaniques du passage de Graydon. De l’autre coté de la face, les pentes sous la pointe de Haute Béne et la pointe Ouest restent confidentielles. Elles permettent de superbes et sauvages descentes, globalement moins soutenues mais toujours fortement exposées. Enfin, dans le milieu de la face, en bordure du
creux des neiges, la descente de la pointe Saint-Jean ouverte en hiver 2005, est un des itinéraires les plus sérieux du massif chablaisien nécessitant, de plus, un enneigement exceptionnel pour pouvoir être skié.