Stéphane,

Te souviens-tu Stef, lorsque fin 2004, nous montions avec Olivier et Alex au Replan. Ce jour, tout comme Olivier, tu avais pris ton surf et tes raquettes. Si avec Alex, nous cavalions devant vous à la montée, à la descente, vous nous avez impitoyablement sanctionnés de vos courbes majestueuses alors que nos skis restaient ridiculement empêtrés dans une neige inconfortable.

Cette première sortie avait marquée le départ d’une profonde complicité, où tous les quatre, nous avons autant partagé une passion pour la neige qu’un profond désir de ne pas se prendre au sérieux dans un milieu où c’est si souvent la règle. Une journée avec toi, avec vous, c’est la certitude d’une journée sans prise de tête inutile. Pour preuve incontestable, toi qui étais un modèle d’organisation, tu acceptais, sans trouver rien à redire, mes éternels et incurables retards...

Tu maitrisais bien ton surf même si, avec humilité, tu t’en défendais. Mais, c’est bien sur les skis que ton efficacité, ton esthétique et ton « touché » impressionnaient le plus. Avec une confiance fabuleuse tu as gravi vite, peut-être trop vite, les étapes de la pente raide. J’ai gravé dans ma mémoire cette longue et formidable journée au Hug avec Alex, Michael et Manu. Après un gros brassage final, nous étions sortis tous deux sur l’arête sommitale, le visage illuminé et muet devant tant de beauté. Après un long moment passé à jacasser au sommet nous plongions successivement dans la très raide et délicate pente. Tu avais immédiatement enquillé des virages prodigieux dans l’étroit et apparemment in-skiable mixte de départ (tu nous as prouvé le contraire), nous laissant tous pantois d’admiration.

Tu connaissais mon aversion pour les départs trop matinaux du printemps. Gentiment tu venais toujours me chercher afin de me permettre de terminer ma nuit pendant que tu taillais la route. Quand je daignais enfin sortir de ma torpeur, nous parlions doucement, de choses et d’autres, de nos familles, de nos boulots mais jamais de la montagne et de ses bonheurs, de ses risques et de ses malheurs. Certainement aurions-nous dû laisser de côté pudeur et rejet du moralisme et plus converser de notre passion et de son côté le plus noir. Sûrement aurions-nous dû parler de cette infinie difficulté à garder intacte notre jugement face à la passion pour n’en garder que le bon sens. Sans doute l’amitié aurait dû nous donner comme devoir de se protéger les uns et les autres contre ces risques dont nous rejetions résolument la fatalité.

De la dernière course que nous avons faite tous les trois avec Alex, je garde en mémoire un infini bonheur. Bonheur de cette montée interminable à se relayer dans une neige qui refusait de nous porter, bonheur de cette unique banane partagée dans la baston au sommet du couloir de la Forteresse, bonheur de cette descente féerique sans visibilité au travers des rafales de neige, bonheur enfin de cette excitation enfantine qui marque l’épilogue d’une belle pente raide réussie, tu sais, quand la pression retombe.

Pendant les longues heures de marche où l’esprit a besoin de s’évader pour ressourcer le corps, je pense à tous ces bonheurs, je pense à toi mon pote et la route est moins longue.

Salut mon Ami et merci.

Wahil