Pourquoi
taire que l’approche est longue pour arriver au pied des voies de la face sud : depuis la Fétiuère, il vous faudra d’abord gagner les chalets d’Oche puis traverser le fond du vallon avant d’aborder la raide montée de la combe qui donne accès aux voies situées à quelques encablures du col de Planchamp d’Oche,
soit 1h30 sans trop lambiner mais d’une marche jamais désagréable. De plus, comment ignorer que le panel des escalades proposées n’est pas large : quelques voies d’une à deux longueurs. Noir tableau ! Et pourtant, les grimpeurs pour qui l’escalade n’est pas que gymnique y trouveront leur compte et sauront trouver à
ce secteur des mérites justifiant un tel déplacement. Tout d’abord, un rocher de qualité, au toucher agréable et à l’adhérence incontestable. Une collection de voies, certes encore bien maigre, mais des escalades de niveau abordable et bien équipées. Un ensoleillement plus que généreux, bien intéressant en inter-saison.
Des hordes de bouquetins dont l’indifférence frise presque la provocation, témoigneront qu’il s’agit bien de « hauts lieux » sans rapport avec les falaises des vallées. Et enfin et surtout, un cadre absolument magistral, avec une vue imprenable sur la face nord du Château d’Oche et avec pour toile de fond le
massif du mont Blanc. Tout ceci, chez le grimpeur montagnard, devrait décupler le plaisir d’être là haut et refouler les problèmes d’approche au rang de détails secondaires. Reste à trouver les volontaires à l’équipement, ce qui permettrait d’assurer au secteur un épanouissement mérité : et là, ce n’est pas gagné !
La genèse de la région Lémanique vue par Chablais Grimpe
Il y a à peine
deux cent cinquante millions d'années, Savoie et Suisse Romande n'étaient qu'un insignifiant rien du tout, situé sous l'équateur, couvert de forêts primitives et d'affreux reptiles, le tout perdu dans l'immense
supercontinent de Gondwana (composé de l'Afrique, l'Australie, l'Europe, l'Inde et l'Antarctique). Ailleurs, rien de plus sinon de l'eau et un autre supercontinent la Laurasie. Tout cet ensemble anarchique, branle, bou
ge, dérive, gondole, frissonne en surfant sur le
magma. Les deux continents, de plus en plus fous, finissent par rentrer en collision et une bonne partie de Gondwana s'affaisse, noyée dans le magma. L'eau, la mer prennent la place des terres pour quelques centaines de millions d'années. Les sédiments s'accumulent lentement sur les
fonds tandis que les terres immergées trépignent, palpitent furieusement. Partout, ça monte et ça redescend, ça s'engloutit pour ressurgir un peu plus loin et un peu plus haut pour et finalement s'engloutir de nouveau dans un infernal et incroyable chaos.
Et puis, il y a
vingt cinq millions d'années un phénoménal hoquet, une éructation titanesque, une explosion torride de millions de degrés pousse un pieu de granit et son chapeau de sédiments jusqu'à des altitudes de dix mille mètres, voire plus : ce sont les Alpes. Du même coup, l'eau est repoussée au loin, jusqu'à la... Méditerranée. Plus frénétique que jamais, la terre
et ses jeunes montagnes continuent d'onduler, de mijoter, de frémir, de bouger, de se distordre et inéluctablement , de couler, de déborder et dégouliner sur les bords jusqu'à former, nous y voici, les préalpes. Cependant, les couches superficielles restent fragiles et quelquefois ça s'effondre, ça se déchire jusqu'à former des dépressions gigantesques comme la cuvette du Léman et plus en amont la vallée du haut Rhône.
Tout doucement, au quaternaire il y a
trois millions d'années, le climat tiédit, fraîchit, refroidit, jusqu'à devenir effroyablement glaciaire. Le glacier du Rhône, enfle, gonfle, se boursoufle, déborde, coule, et déboule la haute vallée du Rhône en envahissant tout sur son passage y compris le bassin lémanique. Dans un lent excès de vitesse il se fracasse contre le Jura, que, fainéant, il évite
par la gauche, et déboule jusqu'aux portes de Lyon tout en en déchiquetant au passage le Genevois. La glace est partout, sur des épaisseurs phénoménales. Pendant des millénaires, c'est une alternance de chaud et de froid, de débâcle et de glaciation, qui
moule notre monde jusqu'à ce que le cataclysme s'apaise et que la vie prenne petit à petit le dessus. Ce fut d'abord le royaume de la toundra, des loups et des mammouths. Enfin, l'homme apparut, certes, un peu primitif au début, mais à qui la rare intelligence permit de rapidement s'élever au rang de grimpeur.